Politique Aubry Fabius « L'économie sociale de marché »

publié dans l'Humanité

Martine Aubry et Laurent Fabius, le mariage de la carpe et du lapin ? En fait, à la lecture des contributions que tous deux ont présenté, les convergences entre les deux courants qu'ils incarnent sont nettes, en particulier dans les domaines économique et social.

Politique économique et sociale

La première professe un « volontarisme transformateur » et, tout en se situant « clairement à gauche », inscrit le projet socialiste dans l'acceptation de « l'économie de marché » qui doit être « régulée ». Laurent Fabius se réclame du principe « d'économie sociale et écologique de marché ». Martine Aubry veut réactualiser « les valeurs historiques du socialisme » à la lumière de la mondialisation, dont il faut mesurer « les menaces » et saisir « les opportunités ». Les fabiusiens insistent sur « les espoirs déçus de la prétendue mondialisation heureuse » et sur l'échec d'un libéralisme qui « ne permet pas de résoudre les crises, mais contribue à les produire ». Les deux contributions sont favorables à l'augmentation du SMIC et des salaires. Martine Aubry fait sienne l'idée d'une « sécurité sociale professionnelle » avancée par la CGT. Concernant les retraites, la maire de Lille ne s'oppose pas au principe d'un allongement de la durée de cotisation, à condition de favoriser l'emploi des seniors et de prendre en compte la « pénibilité ». Elle préconise d'« élargir l'assiette des cotisations - retraites pour y intégrer les revenus du capital ». Ils s'accordent sur la préservation et la rénovation des services - publics.

L'Europe

Les différences les plus explicites entre les deux sensibilités socialistes portent sur l'Europe. Partisan du « non » à la constitution européenne, Laurent Fabius invite à tirer leçon de l'échec des gouvernements sociaux-démocrates dont « certains ont été séduits par le modèle libéral ». L'ancien premier ministre, prône une réorientation de la politique monétaire européenne. La BCE devrait selon lui agir « pour l'emploi et la croissance, pas seulement contre l'inflation » et « rendre des comptes sur son action ». Clause de « sauvegarde sociale », nécessité d'une harmonisation fiscale pour lutter contre le dumping rapprochent les deux contributeurs, qui se distinguent en revanche sur la perspective de futurs élargissements, Laurent Fabius s'opposant toujours à l'entrée de la Turquie tandis que Martine Aubry refuse de voir l'UE se muer en « club chrétien ».

Alliances et parti

Martine Aubry, bien qu'elle ait, lors des municipales de Lille, passé un accord avec le Modem, s'inscrit dans la stratégie d'une « gauche solidaire » qui se doterait d'un « pacte de mandature » fondé sur « les valeurs d'humanisme, de modernité et de justice sociale », et, éventuellement, d'un candidat unique en 2012. Laurent Fabius, très catégorique, « refuse un renversement d'alliances qui aboutirait à un projet commun entre le PS et le centre droit ». Quant à la conception du Parti socialiste, tous deux refusent sa présidentialisation et l'exhortent à renouer avec une démarche collective axée sur le travail intellectuel et de proposition. La question sociale, soulignent-ils, doit être sa préoccupation majeure.