L'ex-évêque Fernando Lugo, défenseur des pauvres et de la réforme agraire, candidat de la coalition de gauche, a officiellement été élu dimanche président du Paraguay, mettant ainsi fin à 61 ans d'hégémonie du Parti Colorado.
Dans ce petit pays de six millions d’habitants, coincé entre le Brésil et l’Argentine, un seul parti dominait la vie politique depuis 1947 : le parti Colorado. Les
Paraguayens ont tour à tour connu une des dictatures les plus répressives d’Amérique latine, avec le sinistre général Stroessner au pouvoir entre 1954 et 1989, et l’élection de cinq présidents
colorados. Même si la démocratie a été formellement rétablie en 1989, le quotidien des Paraguayens a toujours été dominé par le clientélisme et la corruption. Le Paraguay serait le deuxième
pays le plus corrompu de la planète selon l’ONG Transparency international.
Les élections présidentielles (à un tour) du 20 avril ont vu un ancien évêque faire basculer le Paraguay à gauche. Durant les onze années de son évêché, Fernando Lugo a notamment pris
la défense, contre les grands propriétaires fonciers, des mouvements paysans réclamant une refonte en profondeur du système agraire dans un pays où 3 % des propriétaires possèdent 80 % des
terres. À la tête d’une coalition de partis allant du centre-droit à la gauche, son élection porte tous les espoirs des classes populaires.
Il faut dire que la situation sociale et économique du pays est catastrophique. Plus de 60 % des habitants vivent dans la pauvreté. Environ 80 % d’entre eux n’ont pas accès aux soins de santé de
base. Près de 400 000 paysans n’ont pas accès à la terre du fait d’une agriculture intensive tournée vers un soja essentiellement transgénique. Le Paraguay est aujourd’hui le quatrième producteur
mondiale du nouvel or vert. Conséquence : plus de cent mille Paraguayens quittent chaque année la campagne pour les bidonvilles d’Asunción, pour l’Argentine voisine ou pour l’Espagne. Les envois
de fonds des migrants représentent désormais la seconde rentrée financière du pays, dépassés seulement par les exportations de soja. L’évêque « rouge », comme certains l’ont surnommé, veut donc
transformer le pays où, dénonce-t-il : « 500 familles vivent comme des dieux et un million de familles vivent comme des mendiants ».
En quelques mois, Lugo etait devenu un cauchemar pour la classe dominante paraguayenne, qui redoutait que le Paraguay succombe, à son tour, à la vague de gauche qui a frappé le continent
latino-américain depuis l’élection d’Hugo Chávez au Venezuela. Il suscite également l’inquiétude du côté de Washington. Situé entre l’Argentine et le Brésil, le Paraguay constitue un État tampon
concentrant divers enjeux géopolitiques.