La gauche est moribonde disent-ils, trop pressés d'annoncer sa fin. Les partis traditionnels de la gauche européenne sont en crise profonde, cela n'en signifie pas pour autant la fin. Pour le justifier les commentateurs s'appuient sur ce qui justement n'est plus la gauche et il ne faut pas confondre « être et avoir été » La notion de gauche est plus large que la simple représentation de quelques appareils. Ces messieurs ne perçoivent dans l'entreprise que son conseil d'administration en lui attribuant les facultés productives que ce dernier n'a pas en oubliant ceux qui font et qui sont l'entreprise, les salariés. En matière sociale et politique ils font de même, or les masses ne sont la propriété de personne et surtout pas de directions qui n'ont de cesse que de trahir les aspirations du plus grand nombre. Les rapports de production sont toujours les mêmes . Le monde a changé, c'est le commun des lieux communs et la gauche n'est pas fondée sur les lieux communs mais historiquement et politiquement fondée sur les rapports de production. Tant qu'ils existent, la gauche a de l'avenir.
En matière politique et sociale la fin de quelque chose n'a jamais signifié le néant mais le début d'autre chose. Le socialisme a été enterré à chaque crise, à chaque scission et à chaque grand événement qui a marqué un retour du conservatisme. Ces moments sont temporaires et chaque fois la fin de l'histoire est annoncée . Ce sont là les aléas du rapport des forces et en aucun cas des situations définitives. Les cycles de mobilisations et de conquêtes ne sont pas linéaires et ne répondent pas à une mécanique alimentée par une énergie « fossile ». L'énergie est fournie par le salariat en lutte guidé par une conscience élevée de sa condition. La conscience ne se perd pas, elle connaît certes des fluctuations et des degrés divers mais ne disparaît pas tant que subsistent les conditions qui la génèrent. Ce n'est pas un rapport physique de « sublimation » de la condition sociale maîtrisée en laboratoire dont on pourrait décréter la fin du passage de l'état solide à l'état gazeux par manque de matière . Les sociétés en éprouvette çà n'existe pas. Tant que la domination d'une force économique et sociale existera il y aura d'autres forces qui refuseront de s'y soumettre. C'est quoi la gauche et sur quoi repose-t-elle ? Telle est la question qui devrait retenir l'attention de ces observateurs pressés de conclure. Ils pourraient également observer que la gauche qu'ils décrivent est de moins en moins de gauche et qu'elle est toute acquise au néo libéralisme, ce qui explique partiellement la crise qu'elle traverse. Cette crise ne vient pas du fait que la gauche est plus à gauche et qu'elle remet en cause le système, puisque ce n'est pas le cas. La crise sanctionne ce qui est et non pas ce qui pourrait être. La responsabilité n'est pas collective, c'est bien celle des directions, de ceux qui ont en charge les responsabilités . C'est leur crise, eux sont en crise et elle vient de la défiance des bases face aux politiques proposées. Défiance électorale, militants qui quittent leurs organisations et la crise s'aggrave lorsque les directions persistent dans la même voie. « Si il y a crise c'est parce que nous ne sommes pas assez à droite » et ce processus se poursuit avec toujours un peu plus à droite et toujours moins d'électeurs, au point de ne plus être identifiable par les masses mais félicité par la classe dominante qui elle ne se trompe pas et vote pour les siens, les vrais.
S'eut été différent d'annoncer « les directions des partis de gauche sont en crise ou moribondes » pour mieux cibler et préciser. Qu'est ce que la gauche sans le mouvement social ? Un appareil. La gauche c'est avant tout le mouvement social et la force politique qui en découle. Or le mouvement social existe, il bouge, il lutte et les grèves en témoignent, les cortèges également. C'est là que la gauche puise ses racines et c'est à partir de là que monte la futaie . Réduire la gauche à quelques appareils discrédités c'est penser que la politique est un jeu en vase clos et la ramener à une simple activité de salon hors du champ social.
La gauche ce n'est pas non plus un bloc à la fois informe et uniforme duquel n'émane qu'une pensé dégagée par les seules directions, c'est un corps vivant avec des principes connus , reconnus et opposables à ceux qui s'en détournent et ils sont nombreux. C'est une des raisons majeures de la crise que traverse en Europe les partis sociaux démocrates et socialistes qui en réalité ne le sont plus puisqu'ils se refusent à la construction d'une société socialiste et qu'ils ont décidé de sauvegarder le système en place.